On dit que la peinture est un médium ancien, trop vieux pour résister aux pressions de la technologie du XXIe siècle ; on dit que le médium est à bout de souffle. On annonce sa fin depuis le milieu du XXe siècle. Pourtant, la peinture vit toujours, et certains artistes tentent même de la réactualiser, car les partisans et les détracteurs sont au moins d’accord sur une chose : la peinture, pour poursuivre son périple créatif avec panache, a besoin de s’ajuster aux changements, aux nouvelles visions d’un monde en constante mutation. Maja Vodanovic souhaite apporter sa contribution personnelle à cette extraordinaire quête.
Il faut dire qu’elle possède une conscience sociale exceptionnelle et que, même si elle a fait de la politique partisane, elle est avant tout une humaniste. Les clans, les étiquettes, très peu pour elle. La liberté avant tout ; celle de penser, de vivre et aussi de revendiquer. Changer le monde, c’est possible ? Pourquoi pas ? Remarquez qu’il serait objectivement plus difficile de l’empêcher d’évoluer, même si cela ne paraît pas toujours; mais c’est là une autre histoire.
«Je veux apporter ma contribution à la société avec ma peinture. Vous me direz que le défi est grand, et je le sais très bien, mais cela ne m’empêche pas de mettre toutes mes énergies pour y arriver. Depuis longtemps déjà, je suis consciente que ce monde n’ira pas là où on veut qu’il aille sans effort. C’est possible de changer les choses, et pas toujours en gagnant de grandes causes avec éclat. Les véritables victoires passent souvent inaperçues, et pourtant elles sont là. Et même sans que la collectivité s’en rende bien compte, le monde change justement parce qu’un jour une idée, une vision du monde a réussi à vaincre l’inertie. Vous savez, la vie bascule bien davantage à notre insu que par les événements marquants. Les événements marquants sont le plus souvent le point ultime. Toute une démarche, plusieurs facteurs ont contribué, sans qu’il n’y paraisse, à préparer l’événement. Moi, j’ai fait le pari de jumeler deux de mes grandes passions, et je suis persuadée que la peinture peut encore s’actualiser, qu’elle est capable d’exprimer les grandes idées de notre époque par des moyens innovateurs. Un jour, je me suis posé la question : je me suis demandé comment mon art pouvait concrètement apporter sa contribution à notre monde. La réponse est venue relativement vite, du moins en partie. En ce qui touche le sujet à proprement parler, je m’inspire des gens qui, par leur action directe et indirecte, ont contribué à rendre ce monde sinon meilleur, du moins en meilleur état qu’à leur arrivée. Je pense entre autres à René Lévesque, l’ancien premier ministre du Québec, qui a défendu les intérêts du peuple, et non les intérêts d’une minorité ; à Marsha Ackman, une femme d’affaires qui a connu de grands succès et qui a tout abandonné pour devenir activiste et environnementaliste, une grande dame qui m’a beaucoup inspirée ; à Billy Two Rivers et à plusieurs autres personnalités connues ou moins connues du grand public. En ce qui concerne le traitement, je m’inspire de l’ancienne technique des glacis en superposant des couches les unes sur les autres afin de gagner en luminosité. Cela donne un résultat qui se rapproche de l’effet du vitrail à cause de la transparence. Seulement, je le fais avec une technique que j’ai moi-même mise au point et qui allie l’acrylique et l’aquarelle. Dans mon approche, le hasard est fortement mis à contribution car je dois composer avec l’accident, quand il survient. Cette technique et la manière dont je l’utilise laissent une large place au hasard. J’aime bien cette idée. Comme artiste, comme femme et comme citoyenne, j’ai appris que je ne pouvais pas tout contrôler. Il faut donc que j’adopte un esprit d’ouverture qui me permet quand je peins d’utiliser du mieux que je le peux les accidents de parcours, inévitables. Ainsi, quand je peins, je découvre mon sujet au fur et à mesure. Même si je pense savoir dans quelle direction ira le tableau, il finit toujours par me surprendre.»
© Parcours 2004