Maja Vodanovic et l’oeil réfléchi
Maja Vodanovic poursuit son travail de recherche sur l’expérience et la construction d’une profondeur temporelle. Alors que dans son exposition de 2007, l’artiste traduisait cette profondeur par la mise en perspective de différents moments assemblés dans le tableau, on verra dans les œuvres récentes apparaître, au sein de ces espaces fabriqués, un mouvement plus explicite, un mouvement dont les dimensions sont à la fois poétiques et morales.
Par leurs figures-mêmes, ces œuvres récentes ont pour thème les arts de la scène que sont le théâtre et la danse. Figurations de figurations, ces tableaux pourraient se voir comme distancés à un deuxième degré de la réalité. Le thème central n’est cependant pas les pratiques de la danse ou du théâtre en elles-mêmes. Il est plutôt question de cette relation particulière qui s’établit entre l’acteur et son personnage. En effet, l’acteur ne s’abolit pas tout entier dans le personnage. Dans le jeu théâtral, auquel participent autant les spectateurs que les acteurs, l’acteur et le personnage sont tous deux présents et cette dualité est au cœur de la théâtralité. Dans plusieurs des tableaux de l’exposition, cette dualité est d’autant plus forte que l’acteur n’est pas un inconnu, invisible derrière le personnage. Il est au contraire une personne connue de l’artiste et l’œuvre découle parfois d’une commande.
Parallèlement, le spectateur se retrouve lui-aussi transporté en deux lieux distincts et parallèles : d’un côté dans le théâtre face aux acteurs, de l’autre dans l’histoire, face aux personnages.
La conscience de cette dualité n’est cependant pas constante. Elle oscille entre les pôles du figurant et du figuré et on peut voir dans ce mouvement l’objet qui est au centre de la recherche de l’oeuvre de Maja Vodanovic. Ce mouvement est celui qui invite l’observateur à entrer dans l’oeuvre, à s’identifier à l’acteur et au personnage et à ainsi incorporer à son monde la signification de l’oeuvre. Car le mouvement de la vie vers l’art n’est pas à sens unique : l’art vient à son tour transformer notre vie, lui donner forme et sens.
Ce mouvement, on pourrait l’appeler transcendance, terme philosophique et théologique, compris dans un sens abstrait, mais d’abord un mouvement, un mouvement de passage au travers.
Ce mouvement, c’est celui que nous montrent, les oiseaux et les papillons, posés pour instant à la surface des tableaux, celui des portraits des danseuses ou encore celui, d’une lenteur impassible, du passage du jour à la nuit.
Bernard Olivier
25 septembre 2011