Marilou Séguin
Le Journal de Montréal
Le samedi 2 juin 2007

Déplorant la mise à l’écart de la peinture dans l’art contemporain, l’artiste Maja Vodanovic crée des tableaux inédits, une façon de prouver qu’on peut encore dire bien des choses par ce type d’art.

« Je me bats pour dire que la peinture est universelle et qu’il y a encore bien des choses qu’on peut dire avec elle », lance d’entrée de jeu l’artiste d’origine croate. Les récents tableaux de Vodanovic sont autant de chapitres d’une histoire dans laquelle l’artiste peintre ravive le passé, son passé. En 2004, Vodanovic avait plutôt créé une série de tableaux autour du thème de l’engagement politique. Chacun de ces tableaux était basé sur une personne spécifique et son action politique. Elle avait entre autres peint René Lévesque. «J’ai souvent essayé de faire autre chose, mais cette fois j’ai décidé d’être moi-même. Je crois que quand ça vient du cœur, ça rejoint les gens », dit-elle. Une stratégie qui semble porter ses fruits parce que la majorité de ses œuvres se sont envolées comme de petits pains chauds lors de leur exposition à la Galerie Valentin de Montréal, en mai dernier. «Je suis très contente. Ça me dit qu’être honnête avec soi-même est une bonne chose !»

Le passage du temps

Née à Split, en Croatie, Vodanovic est arrivée à Montréal à l’âge de huit ans. Pour ses plus récentes œuvres l’artiste, diplômée en histoire de l’art de l’Université McGill et des beaux-arts de l’Université Concordia, s’est inspirée de documents familiaux. « Après le désastre de la guerre, ma  famille a vécu le désastre du communisme. Mon grand-oncle de 92 ans avait conservé plein de documents d’époque et me les a remis », raconte Vodanovic. Ces documents, allant de lettres d’amour à des papiers bureaucratiques fascistes, ont minutieusement été intégrés dans chacune de ses œuvres. « Je me sens québécoise, canadienne, mais je pense que c’est important de savoir d’où on vient, de comprendre son histoire », dit-elle. « Mon œuvre n’est pas tant sur mes racines que sur le passage du temps », précise toutefois Vodanovic. « Dans mes tableaux, il y ailes choses éphémères, comme les fleurs et les personnes, et des choses qui restent, comme les lettres, les documents et les objets. Ça parle de notre mortalité, de la fragilité de la vie. »

Secrets d’artiste

L’artiste crée ses œuvres sur des panneaux de bois, privilégiant l’érable. Bien apprêtée, la surface reçoit la peinture en fines couches superposées qui laissent transparaître les couleurs précédentes. L’artiste incorpore ensuite judicieusement lambeaux de toile, morceaux de dentelle ou bouts de papier. La couleur est ensuite fixée avec un vernis. Dans ses oeuvres récentes, Vodanovic a incorporé les documents historiques que lui avait confiés son oncle. « Je crois que les originaux seront mieux conservés comme ça », dit l’artiste. Mais après avoir longtemps travaillé avec Maja Vodanovic a fait la découverte de l’encre acrylique. « Wow ! Elle permet d’avoir l’intensité de la couleur ride la transparence. Je l’utilise beaucoup », dit-elle.